Reportage aux Armes de Bruxelles: "Vous êtes tombés sur des cow-boys!"

Après des mois d’incertitude, les anciens travailleurs des Armes de Bruxelles ont dû se prononcer sur leur avenir: poursuivre l’aventure sous la houlette de Chez Léon, le repreneur des Armes, ou quitter la navire. L’Echo a suivi une assemblée générale décisive organisée par le front commun syndical. L’heure du choix.

Ils sont venus, ils sont tous là. Presque. En début de semaine, répondant à l’appel du front commun syndical (FGTB-CSC), les anciens travailleurs du restaurant "Aux Armes de Bruxelles" se sont réunis une dernière fois pour entendre les secrétaires régionaux leur faire un ultime point de la situation. Nous avons pu assister à cette assemblée décisive, celle du choix à poser pour des travailleurs bringuebalés depuis l’été dernier au fil de procédures judiciaires sans véritable horizon.

"Depuis le mois de juin, vous avez traversé des péripéties."

En marge des prétoires, les syndicats, épaulés par l’avocat Bernard Maingain, ont travaillé jour et nuit pour trouver une solution. Et offrir aux travailleurs la possibilité du choix, la dignité de prendre leur destin en main.

"Depuis le mois de juin, vous avez traversé des péripéties", a entamé Patrick Vanderhaegen, secrétaire CSC Alimentation devant un peu plus de 40 travailleurs des Armes venus l’écouter religieusement. "Vous êtes tombés sur des cow-boys, mais ils n’ont pas su s’opposer à la faillite du restaurant. A ce moment, les négociations ont pu redémarrer avec les candidats repreneurs."

Un amateur, situé à une casserole de moules des Armes, s’était manifesté dès le début de la procédure. Rudy Van Lancker, le propriétaire de Chez Léon, une institution de l’Ilot Sacré, ces ruelles flanquées à l’ombre de la Grand-Place, passage obligé de bon nombre de touristes de passage à Bruxelles.

Monsieur Rudy, comme l’appelle le syndicaliste, n’est pas un facile. Il serait soupe au lait, mais assure le représentant des travailleurs, d’un point de vue social, c’est sans doute la personne la plus correcte de l’horeca. Dans l’assemblée, certains opinent du chef.

Pour emporter le morceau face à la concurrence, Rudy Van Lancker avait un argument de poids à faire valoir: il était le seul à reprendre l’ensemble des travailleurs qui le souhaitaient et ce, en leur promettant de maintenir leur ancienneté. Bingo. La curatrice, Maïa Gutmann Le Paige, a été sensible à cet argument social, raison pour laquelle elle a désigné Chez Léon comme unique candidat repreneur.

Dans la marmite, il y avait d’autres offres financièrement plus alléchantes, mais la curatrice a fait le choix de l’emploi. "Les curateurs travaillent au pourcentage de l’offre. A Bruxelles, la tradition n’est pas de reprendre le plus de travailleurs", enfonce Christian Bouchat, secrétaire régional de la FGTB, en charge de l’horeca. Il a raison, c’est à souligner.

La paix de Vastapane

Après avoir fait le point sur la situation, les deux syndicalistes sont passés à un volet plus sensible, celui du dommage causé. "Vous avez été humiliés, vous avez été salis, il faut réparer cela", a alors expliqué Patrick Vanderhaegen, précisant qu’il y avait eu, à cet égard, de longues négociations avec les avocats de l’homme d’affaires Aldo Vastapane, le propriétaire des murs des Armes de Bruxelles.

Vient alors l’heure des chiffres. "Le dommage que nous avons pu négocier s’élève à environ 3.000 euros par travailleur", a encore expliqué le syndicaliste. Tout le monde peut prétendre à cette prime pour dommage causé: les travailleurs qui décideront de rester, ceux qui partent et même les malades longue durée. A une condition: s’engager à ne pas attaquer l’homme d’affaires. Près de 3.000 euros par tête de pipe, un montant à multiplier par près de 50, le prix de la paix.

A ce moment de la présentation, un travailleur s’est levé. "Je ne suis pas d’accord avec cette clause, je suis libre de mon choix d’attaquer ou non Aldo Vastapane, c’est ça la démocratie". Un argument entendu, avant que les syndicalistes ne reprennent leur plaidoyer. "Notre espoir était de porter les espoirs et les désirs des travailleurs. Notre expérience nous dit qu’un emploi à durée indéterminée dans l’horeca par les temps qui courent, c’est rare. L’important pour nous était de tout mettre en œuvre que pour que vous ayez le choix de rester ou de partir", assure Christian Bouchat. Voilà pour la dignité des travailleurs.

Attaquer Aldo Vastapane? "Si on le fait, la charge de la preuve sera entièrement à notre charge. C’est une procédure qui va durer entre 3 et 4 ans en première instance. Rajoutez minimum deux ans pour l’appel. Au total, ce sera une procédure qui durera au minimum cinq ans avec des frais de justice affolants", précise encore Christian Bouchat, qui s’en réfère à la sagesse populaire pour convaincre la troupe.

"Entre un oiseau dans la main et 22 autres dans le ciel, il faut choisir "Entre un oiseau dans la main et 22 autres dans le ciel, il faut choisir celui qui est dans la main". Et d’ajouter un ou deux arguments, pour la route. "Notre avocat, Bernard Maingain, a été crédible dans la menace qu’il représentait d’un point de vue juridique. Ce que veut Vastapane, c’est la paix". Et les syndicats également. Si un travailleur veut attaquer l’homme d’affaires, il le fera seul. Le voilà averti. Et qui sait quelle sera la position de Rudy Van Lancker sis la paix n’est pas signée avec Vastapane?

"Nous ne sommes pas des magiciens"

Les organisations syndicales défendent le deal en précisant que les deux éléments n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Ceux qui signeront la convention avec Aldo Vastapane toucheront les 3.000 euros. Indépendamment de cela, ceux qui souhaitent continuer l’aventure avec "Monsieur Rudy" le feront. Les autres s’en iront. Avec les indemnités d’usage plafonnées par le fonds de fermeture.

"Nous ne sommes pas des magiciens", poursuit Christian Bouchat, assurant qu’il s’agit là de la meilleure offre possible. "Le choix que vous avez, c’est de redémarrer avec un groupe que vous connaissez ou de partir ailleurs où vous n’aurez rien à dire". Certains proposent un vote à mains levées, pour voir, se compter.

Qui est favorable à cette paix des braves? Quelques mains se lèvent, puis la pression du groupe fait son œuvre, une forêt de mains se lève. Un accord à la quasi-unanimité. Mais ce vote sera secret. Le résultat des urnes et les jours à venir diront le choix des travailleurs. Avant de se retirer, les deux syndicalistes précisent encore que le patron de Chez Léon s'est engagé à rénover le restaurant qui, nous dit-on, en a bien besoin. Au-delà de cela, rien n’est écrit, mais les discussions ont laissé entrevoir la possibilité pour Rudy Van Lancker, d’ici quelques années, de racheter les murs des Armes de Bruxelles. D'après nos informations, Rudy Van Lancker a trois ans devant pour lui pour acheter le bâtiment des Armes à Aldo Vastapane. 

Si tout se déroule comme prévu, les contrats vont bientôt être proposés à ceux qui ont décidé de continuer l’aventure des Armes. Et le restaurant devrait rouvrir ses portes à la fin du mois de juillet. "Nous vous conseillons de prendre ce qu’il y a sur la table et de travailler pour un patron qui veut faire du chiffre d’affaires", assurent les deux syndicalistes. Qui ont fait le job. Jusqu’au bout. Les travailleurs ont le choix entre leurs mains. Leurs destins.

https://www.lecho.be/entreprises/horeca/reportage-aux-armes-de-bruxelles-vous-etes-tombes-sur-des-cow-boys/10010901.html





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